Créée en 2010, Duchess France est une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes avec des profils techniques, leur donner plus de visibilité, mais aussi à faire connaître ces métiers techniques et créer de nouvelles vocations. C’est à ce titre que 4 étudiantes de BTS Communication du Lycée Aristide Bergès à Seyssinet-Pariset, proche de Grenoble, nous ont contacté.

Dans le cadre d’un projet d’études, elles ont eu pour mission de promouvoir les filières techniques et informatiques auprès des jeunes filles de 1ère et terminale, car ces filières comptent peu de filles. Parmi leurs propositions pour ce projet : faire des flyers avec des interviews de filles dans ces filières, imprimer des sets de table pour la cantine pour promouvoir les filières infos, et inviter une femme représentant ce métier qui puisse venir s’exprimer auprès du public ciblé. C’est donc comme ça que j’ai été contactée par les Duchess, et j’ai accepté avec plaisir cette mission !

 

[caption id=”attachment_10156” align=”aligncenter” width=”770”] Photo prise pendant la présentation[/caption]

 

Ayant déjà organisé des ateliers Devoxx4Kids à Grenoble, ce n’est pas la 1ère fois que je m’investis pour promouvoir les métiers de l’informatique auprès d’un jeune public. Mais cette fois, intervenir auprès d’étudiants au moment où ils formulent leurs vœux pour leurs poursuites d’études m’a semblé encore plus impactant.

Dans la salle, il y avait environ 60 étudiants. Majoritairement des filles, c’était le but, mais aussi quelques garçons. La plupart étaient en 1ère ou Terminale, et aussi quelques élèves de 1ère ou 2ème année de BTS SIO (Services Informatique aux Organisations).

J’étais ravie de devoir faire cette intervention, mais pour autant un peu embarrassée car je n’avais pas vraiment d’explications au fait que les femmes soient moins représentées dans ce métier. Au quotidien, je ne vois rien de particulier qui explique qu’une femme soit moins adaptée à cette activité. J’ai donc commencé par un peu de recherche pour essayer de comprendre quelles étaient les causes de cette sous-représentation.

 

Un peu d’historique

Quand on remonte un peu dans l’histoire, des femmes ont toujours été représentées et même récompensées dans le monde de l’informatique. Quelques exemples pour ne citer qu’elles : Ada Lovelace, Grace Hooper, Anita Borg, j’en passe et des meilleures. Je suis alors tombée sur une étude menée par Isabelle Collet, Effet de genre : le paradoxe des études d’informatique. Cette étude m’a permis de découvrir que avant les années 1980, les femmes ingénieures choisissaient les filières informatique à peu près autant que les autres spécialités. Ce chiffre s’est mis à chuter dans les années 80 comme le montre le graphique ci-dessous.

 

Pourcentage des femmes diplômées d'école d'ingénieurs

Or, les années 80 ont aussi marqué l’avènement du micro-ordinateur dans les foyers. A cette époque, une énorme campagne marketing pour vendre ces machines qui allaient révolutionner le quotidien des familles, mais surtout, des hommes qui allaient pouvoir mieux gérer leurs comptes, des garçons qui allaient pouvoir jouer à des jeux vidéos, et enfin à destination des papas à qui ont disaient : “si vous voulez que vos garçons aient un métier d’avenir, faites leur faire de l’informatique” !!

 

 

Les garçons ont petit à petit été plus en contact avec l’outil informatique, et donc plus à l’aise avec que leurs soeurs/cousines/camardes de classe. A cette époque, le corps enseignant n’était pas forcément formé à l’informatique, et donc, n’ont pas su aider les jeunes filles à rattraper le gap creusé à la maison. C’est ce qui a déclenché une diminution massive de la représentation des filles dans ces filières. C’est aussi, je pense, ce qui explique que les proportions sont très différentes au Maghreb ou en Inde où ces campagnes n’ont pas eu autant d’impact qu’en Europe ou en Amérique.

Aujourd’hui, en 2018, ces clichés n’ont plus pignon sur rue, mais il reste pour autant des idées reçues bien ancrées dans l’inconscient collectif qui font que les jeunes filles ne sont toujours pas autant attirée par ce secteur que les garçons.

 

Idées reçues

Notamment, lorsqu’on pense à l’informaticien, on a l’image du geek/nerd qui est un garçon un peu renfermé sur lui-même, qui ne sort pas beaucoup et qui passe ses week-ends à jouer en réseau. Je peux vous garantir que, faisant ce métier depuis 10 ans, je n’ai pas eu beaucoup de collègues qui correspondaient à cette description !

 

[caption id=”attachment_10158” align=”aligncenter” width=”500”] I look like a programmer[/caption]

 

On voit souvent dans l’informatique un domaine très solitaire, ou on ne parle qu’avec une machine, et pas avec des “vraies” personnes. Encore une fois, cela ne reflète pas la réalité de la vie du développeur, bien au contraire. La plupart des projets sont menés en équipe, on travaille régulièrement en pair programming, et on rencontre régulièrement nos utilisateurs (ou au moins des personnes les représentant). L’informatique, c’est bien souvent un métier du service. On fabrique un logiciel destiné à être utilisé par quelqu’un pour lui faciliter la vie, fiabiliser son travail, etc.

 

C’est impératif de casser les clichés

 

je pense que ce n’est pas du rôle des femmes dont il est question, mais plutôt de l’importance de la diversité

Et puis, dernier cliché largement répandu : pour faire de l’informatique, il faut être bon en maths. Ici encore, il ne s’agit bien que d’une idée reçue et pas d’une vérité. Si vous choisissez des filières scientifiques, il pourra s’avérer nécessaire d’avoir de bonnes bases en maths, mais l’informatique s’apparente plus pour moi à des langues : il s’agit de traduire dans une langue compréhensible par la machine des instructions permettant de créer un logiciel.

L’importance de la diversité

Une fois ces quelques clichés démontés, j’ai tenté de répondre à la question que l’on m’avait posée : “Quel est le rôle des femmes dans ce milieu ?”. En fait, je pense que ce n’est pas du rôle des femmes dont il est question, mais plutôt de l’importance de la diversité.

Il est crucial d’avoir de la diversité dans les équipes pour avoir différents éclairages sur les projets ou sur les méthodes de travail. Tous les spécialistes s’accordent à dire que les équipes hétérogènes travaillent dans une meilleurs ambiance. Pour illustrer l’importance de la diversité j’ai pris 2 exemples :

  • Lors de la sortie sur le marché des 1ers casques de VR, ils se sont aperçus que toutes les femmes qui les essayaient était sujettes à des nausées voire de vomissements. Tout simplement parce que l’oreille interne de la femme est différente de celle des hommes. Ce constat, fait une fois la production lancée, coûte cher aux fabricants. Beaucoup plus que si une des femmes de l’équipe avait testé le prototype pendant la phase de conception et qu’ils avaient rectifié le tir avant de lancer la production.
  • Autre exemple : il existe sur le marché des distributeurs de savon ayant un comportement “raciste” qui ne distribue du savon que si la peau de la main qui est avancée sous le détecteur est de couleur claire. Ici encore, c’est un exemple flagrant du manque de diversité dans l’équipe de testeurs qui cause un échec du produit sur le marché.

 

 

Les avantages des métiers informatiques

Si la diversité est cruciale, alors comment faire en sorte que les jeunes filles d’aujourd’hui deviennent les développeuses de demain ? Pour cela, j’ai tenté de mettre en avant les avantages des métiers dans le monde de “la tech” (comme on dit chez nous), et ils sont nombreux :

  • une grande diversité de métiers (du devops au designer UI), dans tous les domaines possibles et imaginables (banques, assurances, commerce en ligne, musique, médical, etc)
  • un marché de l’emploi très dynamique, peu de chômage, même en sortie d’école.
  • un métier en constante évolution où on ne s’ennuie pas et où on a toujours quelque chose de nouveau à apprendre
  • des entreprises où il fait souvent bon travailler avec une bonne ambiance de travail, et dans une environnement de respect mutuel et de confiance.
  • la plupart du temps des horaires souples et possibilité de télétravail pour un meilleur équilibre vie pro / vie perso
  • tous les petits “à côté” auxquels on peut participe de près ou de loin selon l’envie : conférence (en tant que participant, speaker ou organisateur), ateliers de découverte pour les enfants (Devoxx4Kids),…

Conclusions

Suite à ma présentation, j’ai pu échanger avec les participantes et répondre à quelques questions. Les quelques courageuses ayant osé prendre la parole m’ont interrogé sur mon quotidien et la relation avec mes pairs masculins : est-ce que j’avais déjà subi des remarques sexistes ? Est-ce que les salaires de femmes étaient alignés avec les salaires des hommes ? Puis les questions se sont tout naturellement orientées vers les professeurs présents pour leur demander comment s’organisaient les poursuites d’études et les options à choisir.

Une belle expérience pour moi où j’ai pu échanger avec des étudiantes et des professeurs et confronter la réalité du terrain avec le milieu scolaire.

Je le referais avec plaisir si on m’invitait de nouveau !