Interview de Clémence Saussez, sysadmin qui déchire
Dans notre recherche de femmes modèles et de portraits, nous sommes allées chercher dans l’inframonde. Et oui, contre tout pronostique les femmes sysadmin existent aussi ! Et elles sont passionnées par ce qu’elles font. Nous avons l’énorme plaisir de vous faire partager l’interview de Clémence Saussez. |
Katia : Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours?
Clémence : J’ai 30 ans et je suis sysadmin pour une entreprise d’annonces classées sur internet, après avoir travaillé longtemps chez un hébergeur.
J’ai eu accès tôt à un ordinateur et j’ai commencé à vraiment m’intéresser à l’informatique adolescente, particulièrement à la sécurité. Je me suis cultivée sur le fonctionnement des OS, des réseaux, et j’étais fascinée par l’intelligence et l’ingéniosité dont faisaient preuve certains pour exploiter des failles techniques ou humaines, tordre l’usage de certains softs et s’infiltrer là ou ils ne devraient pas. J’avais 10 ans de retard sur la plupart des ezines que je lisais mais c’était une chouette période : la communauté française était active, j’ai rencontré beaucoup de gens talentueux et énormément appris. J’ai rejoint Epitech après mon bac, attirée par le programme très technique. J’y ai appris les bases du code et j’ai vite su que je ne serai pas développeur, pas passionnée par l’exercice. Il était clair que j’aurais du mal à faire une carrière intéressante dans la sécurité sans cette corde à mon arc, alors je suis passée de l’autre coté du miroir, celui où on construit et maintient des plateformes solides.
J’aime le côté lego de mon métier, assembler des briques pour arriver à un tout fonctionnel et résistant, de façon logique et organisée.
Katia : Tu fais partie du côté obscur des Ops ! :) C’est quoi qui te plait le plus dans ce métier ?
Clémence : Le côté Lego : assembler des briques pour arriver à un tout fonctionnel et résistant, de façon logique et organisée.
La variété et le dynamisme : je suis actuellement dans une petite équipe, et nous faisons tout, le rackage/cablage, l’archi, le système, le réseau, la sécurité, une partie de la DBA etc.. - certes chacun selon ses points forts, mais c’est enrichissant de pouvoir toucher à tout. Comme on est transverse, on s’intéresse à ce que font les développeurs, et il y’a toujours de nouvelles avancées techniques donc toujours quelque chose à tester ou améliorer.
Katia : La population féminine au sein des équipes techniques est encore assez petite parmi les développeurs. J’ai l’impression que cet effet est encore plus prononcé chez les Ops. Est-ce que tu as des idées qui puissent expliquer ce phénomène ?
Clémence : J’ai l’impression qu’il y’a globalement plus de gens qui s’orientent vers le développement après avoir fait des études d’informatique. La population de femmes étant déjà réduite dans ces filières, peut être que c’est juste proportionnel. Mais je n’ai pas vraiment de statistiques pour appuyer ça, c’est mon ressenti.
Katia : Quels sont tes outils au quotidien ? As tu des projets personnels qui te tiennent à coeur ?
Clémence : De base je peux m’en sortir avec le monitoring, google, les manpages, strace et tcpdump.
Je me suis mise tardivement aux outils de gestion de configuration comme Puppet ou Chef : ça permet de gagner un temps phénoménal et d’être sûr de la cohérence des plateformes. Ça permet également de planter 50 machines d’un coup au lieu d’une seule, mais bien entendu ça ne m’arrive jamais …
J’ai l’occasion de jouer avec la stack ELK (Elasticsearch / Logstash / Kibana) depuis quelques mois et j’en suis très contente : Ici on s’en sert pour indexer et visualiser les logs d’accès web et ceux de certaines applications, ce qui est pratique pour repérer rapidement les pics d’erreurs ou les anomalies dans le traffic.
Concernant les projets personnels, à l’occasion je bidouille deux trois trucs pour moi et je lis pas mal, mais je n’ai pas de réel projet personnel lié à l’informatique. J’ai la chance de pouvoir vivre de cette passion et je préfère consacrer le reste de mon temps à autre chose, peut être aussi par peur de m’en lasser un jour.
Katia : Une anecdote marrante ?
Clémence : Quand je travaillais dans l’hébergement, un nouveau client pressé à qui l’on avait donné mon numéro pour parler de sa future plateforme et de ses besoins m’a gentiment demandé de lui passer “la personne technique, parce que vous n’allez rien comprendre” avant même que je puisse en placer une. La partie marrante de l’histoire : l’entendre se confondre en excuses les 2 minutes suivantes.
Katia : As-tu des conseils à donner aux personnes qui veulent se lancer / s’améliorer en Ops ?
Clémence : Ils ne seront pas représentatifs de tout ce qu’on peut faire en tant qu’ops car je suis très orientée web/opensource et qu’il y’a un monde en dehors de celui là, dans l’industrie et la finance notamment. Mais si le web vous intéresse et que vous n’avez pas de notions, je vous conseillerais de commencer par installer un Unix-like sur votre poste pour vous familiariser avec le fonctionnement du système et la ligne de commande, et de vous trouver un projet comme l’hébergement d’un site ou la gestion de votre propre serveur de mails : ça ne coûte quasiment plus rien de louer un serveur dédié chez OVH ou Free, ça vous fera toucher à beaucoup de technos et comprendre différents protocoles.
Il y’a pléthore de documentation et de forums d’entraide sur le net et l’apprentissage est rapide. Coté pro, une expérience chez un hébergeur ou un pure-player est je pense idéale pour faire et apprendre beaucoup de choses différentes.