Cette année a eu lieu la 10ème édition de Paris Web “la conférence francophone des gens qui font le web”. Corinne est la présidente de l’association qui organise cet évènement mais elle est également une intégratrice web reconnue, auteur de l’ouvrage Intégration web - les bonnes pratiques paru chez Eyrolles.

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Corinne,  peux-tu te présenter ?

 

Salut,

Moi c’est Corinne.

 

Alsacienne pure souche, j’aime passer mes soirées entre amis -une bière à la main-, pratiquer le softball et dévaler les pistes enneigées dès que la saison le permet. :)

À côté de ça, je suis Intégratrice, c’est à dire que je jongle au quotidien avec HTML, CSS, JavaScript et leurs petits copains depuis 10 ans maintenant.

 

J’ai choisi en 2009 de me mettre à mon compte. Grâce à la flexibilité que me confère mon statut d’indépendante, je peux m’investir dans des projets qui me tiennent à cœur comme Paris-Web ou le train de 13h37.

Motivée par l’envie de partager et de faire connaître les bonnes pratiques de développement, je donne également des cours en formation post-bac (d’abord à la Web School Factory puis à l’IUT de Saint-Dié car c’est quand même beaucoup plus près de chez moi).

 

Quel est ton parcours ?

 

Après un Bac scientifique, j’ai opté pour une formation qui venait d’ouvrir à l’IUT de Mulhouse : le DUT Services & Réseaux de Communication, devenu depuis Métiers du Multimédia et de l’Internet.

 

Je suis tombée dessus un peu par hasard et j’ai été complètement séduite par le Web et la 3D. J’ai découvert un monde totalement nouveau et je me suis prise à rêver de pouvoir modéliser des personnages en 3D comme le bébé danseur dans Ally McBeal (à l’époque la série faisait un carton et ce bébé était ce qui se faisait de mieux en images de synthèse).

Malheureusement, les places étaient très rares dans les écoles spécialisées recrutant à Bac+2 et la plupart des candidats avait déjà une solide expérience dans le domaine. J’ai donc fait une croix sur mon avenir dans la 3D et me suis concentrée sur le Web. ;)

 

Les cours dispensés à l’IUT étaient très intéressants, mais de mon point de vue, la formation était un peu trop axée sur la technique et pas assez sur le côté artistique…

Du coup, une fois mon DUT en poche, j’ai cherché à compléter mon profil et j’ ai passé le concours pour entrer à l’Institut Européen de Design (qui a été renommé École Internationale de Design depuis) à Toulon. J’ai été acceptée et j’en suis ressortie avec une Maîtrise de Concepteur Designer Graphique et Multimédia.

 

De retour en Alsace, je me suis mise en portage salarial pour pouvoir honorer une commande : des amis de mes parents m’avaient demandé de réaliser le site internet de leur restaurant.

Et c’est comme ça que tout à commencé !

 

Tu es Intégratrice web : peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?

 

Alors, sur le papier c’est assez simple : l’Intégrateur est la personne qui va transformer une maquette graphique en page internet.

 

Dans les faits, c’est un peu plus compliqué que cela car le périmètre d’action de l’Intégrateur Web est plus ou moins vaste suivant la taille de l’entreprise dans laquelle il  travaille ;  et suivant les projets sur lesquels il a à intervenir.

 

Dans une petite structure par exemple, l’Intégrateur se rapproche bien souvent du mouton à 5 pattes : il doit gérer des problématiques qui sortent de son coeur de métier car il n’y a personne d’autre pour s’en occuper…

 

En ce qui me concerne, je travaille la plupart du temps sur de gros projets où les tâches sont parfaitement segmentées, ce qui permet à chacun de se concentrer sur son domaine d’expertise. :)

 

Pour moi, il s’agit de l’intégration web : je dois utiliser tous les outils à ma disposition pour restituer la maquette graphique qui m’est fournie sous la forme d’une page internet en veillant à ce qu’elle soit accessible, performante et optimisée pour le référencement. Pour cela, je manipule principalement du HTML, du CSS et du JavaScript. Mais suivant les contraintes du projet, je peux être amenée à utiliser d’autres langages tels que PHP, Twig, Sass, Stylus, CoffeeScript, etc.

 

Lorsque je dois expliquer mon métier à des personnes qui ne sont pas du domaine, j’ai l’habitude de leur dire que je fais des Meccano© toute la journée…

De mon point de vue, c’est vraiment à cela que s’apparente l’intégration  : il s’agit de choisir et combiner ensemble les « briques » existantes pour obtenir le résultat attendu. :)

 

Ce que j’aime particulièrement dans mon travail, c’est qu’il nécessite de bonnes connaissances dans plusieurs domaines connexes : accessibilité, ergonomie, performance,  référencement naturel ou encore gestion de projets sont autant de notions qu’un bon intégrateur doit maîtriser.

 

Je trouve cela hyper intéressant et très motivant car la technique évolue très vite et qu’une bonne veille est indispensable : j’en apprends tous les jours !

 

Tu es aussi présidente de la conférence Paris Web : comment en es-tu arrivée là ?

 

J’ai découvert Paris Web en 2007. À l’époque il n’existait aucune autre conférences française qui traitait des problématiques de développement web.

Je me souviens avoir été scotchée par l’organisation et la qualité des interventions auxquelles j’ai assisté. :)

 

Fort de cette première expérience, je me suis inscrite l’année suivante et en 2009, j’ai pris mon courage à deux mains pour proposer un atelier en duo avec un collègue.

Notre atelier a été accepté et j’ai pu découvrir Paris Web de l’autre côté de la scène. J’ai entraperçu les coulisses et j’ai alors réalisé l’investissement et l’implication que demandait la mise en place de ces 3 jours d’événement…

 

Sachant que l’association est uniquement composée de bénévoles, il m’a semblé tout naturel de proposer mon aide. Et..  c’est comme ça que je suis rentrée dans le Staff de Paris-Web. :)

 

J’ai alors découvert que le fonctionnement de l’association était assez simple : tout le monde est sur un pied d’égalité. Et pour être écouté, il n’y a pas de mystère : il faut participer et s’investir comme dans toute bonne méritocratie.

 

Je me suis investie à fond et l’année suivante on m’a demandé si je voulais bien devenir trésorière (poste assez peu enviable, s’il en est). ;)

J’ai occupé cette fonction pendant 2 ans et lorsque le président de l’édition 2013 a annoncé son souhait de quitter l’asso, je me suis proposée pour prendre sa succession. J’ai été élue et c’est comme ça que je me suis retrouvée à assurer la présidence de l’association en 2014 et 2015.

 

Ces 2 années à la tête de Paris-Web m’ont énormément appris, à commencer par le management d’équipe dans un contexte bénévole et la gestion de la pression : faire partie de l’équipe et être responsable de l’association (et par extension de l’événement) ne sont pas tout à fait la même chose !

Et bien que ce soit vraiment éreintant par moments, je dois dire que j’ai adoré ça ! :)

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Quelles sont les qualités recherchées pour être speaker à Paris Web ?

 

Je dirais que le plus important c’est d’oser se lancer !

C’est aussi la chose la plus difficile à faire… mais il faut garder à l’esprit que le Staff est bienveillant et bien souvent « paye pour voir » : si le sujet est bon et que vous arrivez à en convaincre l’équipe, il a toutes les chances de passer. ;)

 

Pour cela, il n’y a pas de mystère : il faut préparer le terrain et trouver un bon sujet. ;)

Cela semble peut-être évident, mais chaque année nous recevons des propositions qui ne sont clairement pas dans les clous…

 

Enfin, gardez en tête qu’il existe plusieurs formats possibles : rien ne vous oblige à soumettre une proposition pour une conférence de 50’00. Si vous êtes timide ou que c’est votre première intervention, je vous recommande de commencer par soumettre une proposition d’atelier ou de mini-conf’ : c’est moins intimidant et moins engageant qu’un format de 50’00 !

 

Voilà pour la base. :)

 

Après, en ce qui concerne les qualités à avoir pour être un bon orateur, je ne peux que vous renvoyer vers cet excellent article de David Rousset : « Guide du speaker intergalactique (ou comment augmenter ses chances d’être retenu en tant que speaker en conférences au sein de l’univers) ». À mon sens, il décrit parfaitement les qualités qu’il faut avoir pour devenir orateur (à Paris Web ou ailleurs).

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Tu es également auteur du livre « Intégration Web : les bonnes pratiques » : qu’est-ce qui t’a motivée à écrire ce livre ?

 

Ce sont les mêmes raisons qui m’ont poussée à intégrer le Staff de Paris-Web, à m’investir dans le Train de 13h37 et à écrire ce livre : l’envie de partager et de contribuer (dans une moindre mesure) à élever la qualité du développement web.

 

Le niveau d’accessibilité d’une page web est, en grande partie, régie par la façon dont l’intégrateur a fait son travail. Or, bien souvent, il ne faut pas grand chose pour qu’un code inaccessible le devienne : la plupart du temps, il s’agit de bonnes habitudes à prendre et de certains effets de bord à connaître (et surtout à éviter).

 

Forte de ce constat, je me suis dit qu’il pourrait être utile de regrouper ces bonnes pratiques en un seul et même endroit pour en faciliter l’accès.

J’ai donc élaboré un plan succinct et je me suis jetée à l’eau : j’ai demandé à un ami (qui avait publié un livre technique peu de temps auparavant) s’il pensait que mon idée pourrait intéresser son éditeur et il nous a mis en relation.

L’éditeur a été très intéressé par le sujet et une fois le contrat signé, j’ai commencé la rédaction.

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De l’idée à la rédaction puis la publication et la vente de l’ouvrage jusqu’à aujourd’hui avec l’ouvrage disponible sur les étals : cela s’est-il passé comme tu l’imaginais ?

 

Absolument pas ! :D

 

À la base, je m’étais dit que mon livre ferait une centaine de pages grand maximum, car mine de rien, il ne devait pas y avoir tant de choses à raconter que cela… :p

C’est en avançant dans la rédaction que je me suis rendue compte à quel point je m’étais fourvoyée, car si je voulais faire les choses correctement, il faudrait être le plus exhaustif possible. Hors… il y a vraiment beaucoup de choses à avoir en-tête lorsque l’on démarre une intégration !

 

Au final, la rédaction m’aura pris 18 mois, soit 3 fois plus que ce que j’imaginais !

Bien évidemment entre le moment où j’ai commencé et celui où j’ai terminé, la technique a évolué, ce qui m’a contraint à revenir à de nombreuses reprises sur des chapitres déjà rédigés : j’ai bien ré-écrit 3 ou 4 fois certains passages pour cette raison !

 

Fort heureusement, le livre a été très bien accueilli à sa sortie.

Ça a été pour moi un grand soulagement car la publication représente -à mon sens- une mise en danger : malgré tout le coeur et toute l’application que l’on y met, rien ne permet de présager si l’ouvrage sera apprécié ou non…

Lorsque les premières critiques ont commencé à paraître, j’ai été à la fois soulagée et très contente car j’ai eu le sentiment que je n’avais pas perdu 18 mois sur un projet complètement inutile.

 

Au final, si je devais faire le bilan, je dirais que ça représente une épreuve assez épuisante mais très enrichissante tant d’un point de vue personnel que professionnel.

Je me suis prouvé à moi-même que j’étais capable d’avoir l’endurance et la pugnacité nécessaire pour mener ce projet à bien. Du coup, je n’ai plus peur de grand chose ! Je n’hésite pas à me lancer dans des chantiers de longue haleine, à partir du moment où je suis convaincue qu’ils en valent le coup.

 

A côté de ça, ce projet a été l’occasion d’une montée en compétences sans précédent : l’angoisse d’être jugée par mes pairs m’a poussée à vérifier à la source et à documenter chaque information. Du coup, je n’ai jamais lu autant de spécifications de toute ma vie que pendant ces 18 mois ! :)

 

Enfin, la publication a contribué à faire reconnaître mes compétences. Je n’ai eu aucune mission directe suite à la parution du livre ;mais, couplé aux conférences que j’anime et aux projets dans lesquels je suis investie, il dresse de moi un profil professionnel sérieux, volontaire et engagé dont je suis assez fière.

 

Comment/où te vois-tu dans 5 ans ? dans 10 ans ?

 

Voilà une excellente question. :)

 

Cela fait quasiment 7 ans maintenant que je suis à mon compte et que je fais de l’intégration…

Lorsque je me suis lancée, je ne me suis pas projetée aussi loin. J’étais plus en mode : « Voilà ce que j’ai envie de faire et si je ne me lance pas maintenant, je ne le ferai jamais. »

Depuis, je n’ai pas trop changé : je fonctionne toujours de cette façon-là. Il m’est donc assez difficile de répondre. ;)

 

Pour autant, j’ai le sentiment d’être à une phase pivot. J’ai envie de me diversifier un peu : l’animation de conférences et d’ateliers m’a donné envie de faire de la formation sur l’intégration, l’accessibilité et les bonnes pratiques de développement.

En parallèle, j’aimerais également intervenir plus en amont sur les projets, en qualité de Consultante technique : ces dernières années de nombreux outils sont apparus pour simplifier la vie des intégrateurs et automatiser les cycles de développement. Je pense qu’il faut les faire connaître et les intégrer dans la chaîne de production pour décharger les développeurs de ces tâches rébarbatives sur lesquelles ils n’ont aucune valeur ajoutée.

 

Voilà, les nouveaux défis sur lesquels j’aimerais m’engager.

 

Pour autant, rien n’est gravé dans le marbre : suivant ce que l’on me propose, je finirai peut-être par devenir salariée au sein d’une équipe qui dépote.

Il faut juste que le contexte en vaille le coup et que le projet me tienne à coeur. Dès lors, tout est possible !

 

Merci Corinne d’avoir partagé ton superbe parcours avec nous et encore bravo !